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LamE

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Lame


"Et dire que c'est la dernière fois que je vois ces bois… " pensait le chevalier, monté sur son destrier qui avançait au petit trot. Il venait de se faire exclure de la cour et ses environs pour être tombé amoureux d'une pauvre paysanne, rencontrée au hasard de ses multiples missions à travers le royaume de son père. Aussitôt la nouvelle parvenue aux oreilles de son père, le Roi le convoqua et lui expliqua qu'il existait deux possibilités : l'une, rester à la cour et prendre pour épouse une femme digne de ce nom; l'autre, quitter la cour à jamais et vivre dépouillé de tout bien, tel un paysan. Son choix fut fait sans même avoir à réfléchir : au grand dam de son père, il décida d'aller rejoindre sa belle et se mettre à cultiver les champs. Sa seule requête fut de pouvoir emmener son cheval avec lui. Non sans mal, le Roi accepta. Il était effondré que son fils ait pris telle décision sans hésiter, mais il respectait son choix. De plus, il avait un plus jeune fils, donc sa succession au trône n'était pas mise en danger.

Tout en chevauchant, l'ex-chevalier profitait de l'odeur âpre de la terre humide sous le feuillage d'automne. Et pensait à sa belle, lorsque il vit deux hommes sauter d'une branche devant lui et entendit un troisième homme s'exclamer : "la bourse ou la vie !"

D'un rapide coup d'œil, il constata que ses trois, non, quatre assaillants portaient tous des épées effilées à la main et des dagues à leur ceinture. N'étant plus qu'un simple paysan, il ne possédait aucune arme. Ni aucune bourse. Il décida donc de descendre de cheval. Ce qu'il fit, tout doucement en leur disant : "je n'ai aucune arme, pas plus de bourse. Pour preuve, je descends de cheval et vous pourrez me fouiller à loisir." Une fois les pieds à terre, le brigand le plus proche de lui, toujours armé de son épée vint le fouiller et, constatant avec dépit les faits déclara : "en effet, il est vide comme une outre trouée." L'homme qui avait parlé en premier fit le tour du cheval et fit face au chevalier. "Alors comme ça on sort du château, ressemblant fortement au prince, et on voyage, sans bourse ni arme ? Etrange… Et peu crédible malgré tout."

- Et pourtant c'est tout à fait vrai, rétorqua le chevalier sans se démonter.

Pendant que le voleur lui tournait autour d'un air menaçant, il prit soin de constater que l'arme de cet homme paraissait non seulement très bien modelée, mais que la garde de celle-ci était finement ciselée et incrustée de pierres précieuses. Etrange pour un simple brigand, pensa-t-il. Et il doutait qu'il le laissât partir sans se servir de son arme.

A peine eut-il le temps d'articuler ces mots dans sa tête et voilà le vilain en train de le charger ! Il évita de justesse la première attaque et se rétablit tant bien que mal sur ses deux pieds pour voir du coin de l'œil que seul l'homme à l'arme travaillée l'attaquait. Mais tranquillement. Il porta une deuxième estocade que le chevalier parvint à éviter aussi en se jetant à terre et, sans laisser son adversaire se préparer à attaquer à nouveau, il le déséquilibra d'un coup de pied dans les jambes. Le voleur ne tomba pas pour autant, mais ne put éviter la main qui se glissa à sa ceinture pour se saisir de sa dague. Les deux hommes étaient maintenant armés. Le voleur possédait plus d'allonge du fait de son épée, mais le chevalier était un combattant très entraîné et rapide, de surcroît. Ils se tournèrent autour pendant un certain temps, hésitant quant à la technique à adopter : fallait-il attaquer tout de suite, en surprenant l'adversaire, ou valait-il mieux attendre que l'autre attaque pour trouver une faille et le mettre à terre en un seul coup fatal ? Les pensées défilaient à vive allure dans la tête du chevalier. Et puis, pourquoi de simples voleurs ne le laissaient-ils pas partir alors qu'il n'avait rien et n'avait pas vu leurs visages, camouflés par des foulards ?

Le brigand, sentant le chevalier hésiter porta le premier coup, qui surprit bien moins le chevalier que ce à quoi il s'était attendu. Ce dernier riposta tant et si bien qu'il réussit à désarmer avec une facilité surprenante son adversaire. Il s'empara aussitôt de la magnifique épée et tandis que les quatre brigands se jetaient sur lui en même temps, il mit à profit les centaines d'heures d'exercice contre des mannequins. Sa lame traversait la chair avec une délicatesse surprenante, elle semblait dessiner des arabesques rouges sur la peau des assaillants, le chevalier n'avait pas l'impression de combattre, mais de faire un ballet de mouvements gracieux et d'enchaînements harmonieux. Sa main était guidée, non pas par lui, mais par l'épée elle-même. Tout ceci ne dura que quelques secondes et lorsque tout fut fini, le chevalier reprit ses esprits et constata avec surprise qu'il avait en fait tranché tous les corps en trois parties. Il ne se sentait pas fatigué, mais au contraire submergé par un bien-être qu'il n'avait jamais ressenti. Sans plus tarder – après tout, il était encore sur les terres du Château et le Roi aurait mal vu que son fils exilé commette des meurtres sur ses terres – et reprit la route du village de sa chère et tendre…

Arrivé en vue des premières chaumières du village, une fumée noire inquiétante l'interpella. Il galopa jusqu'à ces maisons pour voir qu'elles étaient toutes totalement brûlées. Cela ne résultait pas d'un feu accidentel : comment tout un village aurait-il pu brûler sans cendres entre les maisons ? Il restait apparemment quelques survivants qui gémissaient devant un être proche déjà consumé par le feu, ou alors blessé à mort par une lame inconnue.

Fou d'inquiétude et d'anxiété, il se rua jusqu'à la maison de sa dulcinée, pour constater, non sans amertume, qu'elle n'avait pas réchappé au massacre. Il aperçut pourtant quelqu'un qui marchait dans les ruines de la maison. Son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu'il vit que c'était une femme. Mais la tristesse l'envahit lorsqu'il constata que c'était la mère de la femme si chère à son cœur et pour qui il avait tout abandonné. Il descendit de cheval, les yeux emplis de larmes et s'approcha d'elle. Son visage couvert de cendre et creusé par le désespoir et la tristesse, les larmes traçant des sillons blancs dans le noir de ses joues laissaient présager qu'elle avait tout perdu, tout… et tout le monde. Sans espoir et pourtant refusant d'y croire il lui demanda d'une voix douce, mais brisée de sanglots : "M-madeleine n-n'a pas… survécu ?"

Le regard de la mère de Madeleine se remplit à nouveau de tellement de larmes qu'elle ne put les contenir; elle se jeta dans les bras de l'homme qui semblait, lui aussi, affecté par la disparition de sa fille et pleura sans retenue pendant plusieurs minutes. Le chevalier refusa de se laisser aller, mais son désespoir était si grand que les larmes coulaient sur ses joues. La tristesse qu'il éprouvait était à la mesure du bien-être infini qu'il avait ressenti l'espace d'un instant lorsque les voleurs gisaient, morts, à ses pieds. Sans un mot, il repoussa la mère de sa défunte promise, dégaina son épée et fit mine de partir. Retenu par la manche il se retourna et fit face à la femme qu'il étreignait deux minutes plus tôt. Elle lui montre l'épée d'un regard mauvais et déclara :

"C'est l'homme qui portait cette épée qui a fait ça. Il était envoyé par le Roi."

Stupéfait par les paroles de la femme, il n'en crut d'abord pas un mot. Retrouvant le cours de ses pensées et comprenant ce qu'il s'était passé il déclara : "Cet homme est mort. Je l'ai tué avec sa propre épée. Le Roi va subir le même sort. Et je m'emparerais de son trône pour veiller à ce que tout cela n'arrive plus jamais. Jamais."

Il fit demi-tour, monta sur son cheval, regarda une dernière fois cette femme accablée de douleur et dit : "J'aimais votre fille plus que moi-même, Ma Dame. Je ne sais pas si vous le savez, mais je suis le fils aîné du Roi, et il m'a rejeté de son royaume car j'étais amoureux de votre fille. C'est à cause de moi que tout est arrivé. Je n'aurais de cesse de traquer ceux qui ont permis ça et lorsqu'ils mangeront tous les pissenlits par la racine, je m'emparerais du trône pour veiller à ce que pareille tragédie ne se reproduise plus jamais."

Sans attendre de réponse, il partit au triple galop, armé de l'épée meurtrière, en direction du Château.

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