VolDeNuit

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Vol de nuit...



Cela faisait déjà un moment que la nuit noire étendait ses ailes sur la ville endormie. Il devait être aux alentours de minuit, et le pâle quartier de lune ne suffisait pas pour y voir grand chose. Une belle nuit de printemps, fraîche et constellée d'étoiles.
Les rares personnes encore réveillées pouvaient entendre au loin un bruit qu'ils connaissaient bien : un bruit de moteur. Le fait que ce soit un moteur d'avion leur aurait échappé même s'ils avaient tendu l'oreille.
Ce n'était d'ailleurs pas un de ces avions récents et fuselés, mais un de ces vieux coucous de la deuxième guerre mondiale, bien entretenu, comme ceux utilisés pour les baptêmes de l'air inoubliables...

A l'intérieur du cockpit, l'homme trentenaire en place dans son siège, luttait avec le manche à balai et les commandes de l'avion. Il était en train de perdre le contrôle de son appareil, mais le bruit du moteur ne crachotait pas, comme s'il voulait dissimuler la situation critique dans laquelle se trouvait le pilote.
Ce dernier ne perdait néanmoins pas son calme. Quelle utilité s'il l'avait fait ? Ses cadrans jouaient une sarabande incroyable, et il était juste au-dessus de la ville de béton et de petites lumières dues aux réverbères alignés sur les routes et les ruelles zigzaguantes.
Il retira vivement son casque d'aviateur, qui le gênait plutôt qu'autre chose. Ses habits étaient en parfaite adéquation avec son appareil, et donc en contraste total avec le reste du monde qui s'étendait sous lui.
L'avion piquait très légèrement du nez. Rien de grave, mais le pilote pouvait voir défiler rapidement les champs sous lui, et un peu trop distinguer à son goût les détails du paysage.
- On dirait que tu as un problème, dit une voix féminine qui semblait sortir de nulle part.
Le pilote ne cilla pas, se concentrant sur ses commandes récalcitrantes.
- Michael ? Michaaaeel ? Demanda gentiment la voix.
- Oui, je t'entends, répondit calmement celui-ci, les poings crispés sur son manche à balai d'acier qui vibrait entre ses doigts.
- Tu ne penses pas qu'il y a une raison à ta... situation, par hasard ?
- Ne raconte pas n'importe quoi. Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Je pense que si, rétorqua-t-elle sur le ton d'une conversation amicale.
- Je suis un peu occupé là.
- Ne fais pas semblant, ça ne prend pas.
Le pilote réprima un juron, et se contenta de grogner.
- Tu n'aurais pas commis une faute ?
- Je pilote très bien !
- Cesse de jouer les malins, tu sais de quoi je parle... Il me semble que le "sort" te rattrape.
- Quel sort ?
- Le destin, l'équilibre, la justice divine, appelle cela comme tu veux.
L'avion fit une embardée, et le moteur commença à fumer. L'aviateur donna un coup de poing dans le tableau de bord, rétablissant ses cadrans de jauge d'essence et d'altimètre, c'est à dire ceux qui ne lui servaient à rien du tout.
- Allons, Michael...
- Oui, peut-être, murmura-t-il...
- Tu dis ? J'entends mal...
- Oui, peut-être que j'ai commis une faute...
- A la bonne heure.
- Mais était-ce une si grande faute que je doive expier que... comme... comme ça !? Dit-il avec cet air incrédule de celui qui ne croit pas à la fatalité.
- C'est possible, oui, répondit durement la voix féminine. Cette fille aurait dû avoir le choix...
- Le choix, elle l'a eu. Enfin, je veux dire. Je pense avoir fait au mieux non ?
- C'est à toi de te convaincre...
La remarque le replongea dans ses souvenirs, juste quelques instants. Une si jeune fille... Il n'avait pas eu le choix. Il l'avait protégé, et l'avait laissé partir, voler de ses propres ailes, une fois sa majorité atteinte !
- Non, franchement, reprit-il alors que le moteur commençait à donner des signes de faiblesse, je ne pense pas avoir commis de fautes.
- La situation dans laquelle tu l'as récupérée ne t'obligeait pas à lui dicter sa conduite !
- Voyons, je ne pense pas... même si je me sens un peu coupable, c'est vrai. Mais enfin, comprend-moi.
- Comprendre quoi ? Demanda-t-elle doucement.
- Ses parents avaient des ennuis... il n'était même pas dit qu'ils s'en sortent... Une petite fille de huit ans, se retrouver seule du jour au lendemain, sans personne pour l'aider ? Non, je ne pouvais pas la laisser, même si ses parents avaient une chance de rembourser leurs dettes et de s'en sortir...
- Qu'as tu fait, rappelle-moi ?
- Je l'ai prise par la main, et je l'ai emmenée chez moi.
- Un garçon de quinze ans, s'occuper d'une petite fille ?
- Oui, et je n'en tire aucune honte. Je l'ai bien élevée, je l'ai nourrie et chérie. Je l'ai habillée et logée. J'estime avoir bien agi.
- Mais tu l'as surprotégée... Qui te dit quelle vie elle aurait dû avoir ? Tu ne lui as jamais vraiment permis de forger ses armes face au monde cruel...
- Oui, bien sûr... mais je n'aurais jamais pu la laisser dans la saleté et le malheur dans lequel je l'ai récupérée... j'ai fait ce que j'estimais devoir faire...

L'avion laissait maintenant une zébrure de feu au-dessus de la ville. Mais personne ne le voyait se rapprocher dangereusement du sol. Personne ne faisait attention au bruit d'un moteur différent en pleine agglomération. Cela arrivait souvent que des gens foncent à cent à l'heure sur les petites routes de campagne, alors qui aurait vu la différence ?
- Et puis, reprit le pilote alors qu'il ne croyait déjà plus pouvoir échapper à l'atterrissage, c'était il y a un moment déjà. Qui sait ce qu'elle est devenue maintenant ? Dit-il avec espoir.
- Oui, qui sait ? Reprit la voix, avec une note grave qui rafraîchit les pensées de l'aviateur.
Il était parti dans ses songes, attendant la chute finale. Une forme au loin, en contrebas, marchait sur le bas-côté de la rue, mais il n'y prêta pas garde.
- Où peut-elle être maintenant ? Quelle vie mène-t-elle ?
- ...
- Est-ce que la fatalité la rattrapera-t-elle aussi ?
La forme prit la silhouette d'un homme... ou plutôt d'une femme.
- Devra-t-elle payer pour ma faute ? Dit-il, prenant tout à coup conscience d'une autre possibilité, plus affreuse encore que sa propre mort, injuste mais inévitable.
- Qui sait ? Se contenta de répondre la voix.
Le pilote prit peur, une angoisse effrayante lui étreignant le coeur. L'avion fonçait à tombeau ouvert vers la femme, inconsciente du danger.
- Oh mon Dieu, non !
La femme était celle qu'il avait éduquée, celle qu'il avait poussée sur sa balançoire, celle qu'il avait bercée toutes ces longues nuits. L'avion périclitait droit sur elle !
- POURQUOI ????? Rugit-il en voyant le fond des yeux de la femme, puis son propre avion dans ceux-ci.

...

Elle retira ses mains de sa tête, tout doucement. Miracle ou pur hasard, elle était vivante, à un petit mètre de la carcasse éventrée et fumante du vieux zinc...


Par Skatlan.



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