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Hamsters & Moutons


[Episode : Xinoflu]



(théâtre d'opération : Overlourdes, à Marne-La-Vallée...)

Le jour se levait à peine sur l'université de Marne la Vallée, mais les balles pleuvaient déjà dru. Le général hamster de quarante centimètres de haut n'avait plus beaucoup de temps à lui en ce moment, car la guerre hamsters contre moutons battait son plein.
Dans ce genre de petite occasion, on ne prend pas vraiment le temps de se demander qui a commencé, ou pourquoi l'on continue, vu que l'important est de survivre, et tant pis pour les pertes collatérales parmi les étudiants de la fac, ça fait partie des statistiques.
Ces même statistiques qui prétendaient que le taux de mortalité à longue échéance de tout mouton était de 100%, sans préciser l'échéance en question. Ce qui est bien dommage, parce que Billedefoudre aurait bien aimé la connaître, à l'heure actuelle, cette échéance, car des rapports ponctuels lui donnaient les pertes rongeurs au front, entre les bâtiment Clément Ader (récemment recapturé) et Lavoisier (dont il ne restait de la structure très avant-gardiste, toute en verre, qu'une vitrine post-apocalyptique debout).
D'autres rapports tout aussi alarmants lui donnaient la progression pas à pas des commandos ovins dans les sous-sols de Copernick, le gigantesque bâtiment qui servait d'arrière-QG aux rongeurs, et accessoirement de bâtiment administratif principal aux étudiants, mais ceci est un détail dont on n'a pas à s'occuper quand on est hamster de naissance.
Les commandos moutons étant déjà rasés, ils n'avaient rien à craindre des méthodes d'interrogatoires hamsters basés sur une tonte humiliante. Le problème pour le général était de devoir gérer sportivement le stress engendré par le fait de savoir qu'il n'avait plus aucune troupe disponible pour aller à la rencontre des commandos, et qu'il espérait que ceux-ci ne s'en apercevraient pas trop tôt...
Le Colonel lemming et borgne Bâton-Rouge gérait la logistique au front, lors de l'assaut massif de la matinée, à grand renfort de chars tout-nouveaux tout-beaux sortis des ateliers hamsters depuis une semaine à peine.
Ca donnait de l'obusier dans le champ d'à côté, et les professeurs humains avaient bien du mal à rester stoïques, concentrés ou simplement indifférents devant la troisième guerre mondiale qui se jouait à trente mètres de leur salle de cours à peine.
Ne me demandez pas comment on en est arrivé là, j'essaie d'oublier. Tout ce que je peux vous dire est que les humains font tant bien que mal comme si de rien n'était face à l'invasion de moutons nains et de hamsters géants (ce qui fait d'eux des adversaires de même taille, arf !), tous armés de fusils-mitrailleurs ou de jouets encore plus dangereux, comme des grenades au phosphore ou des fers à friser, et bien décidés à en découdre dans les locaux de l'université d'état.
C'est-y pas mignon, quand même, ces animaux-là !
Enfin, l'affaire s'est d'autant plus envenimée que les services secrets rongeurs et ovins s'en sont (pas Véronique, hé !) mêlés, et offrent en plus d'une formation complète aux futures escouades de commandos, une couverture aérienne efficace.
Les chauve-souris se sont jointes aux forces hamster, lemmings & cobayes tandis que des faucons milanais ont intégré les forces ovines, béliers et autres chevreaux des Jeunesses Ovines.
Bref, c'est le bordel, ça tire de partout, et ces saloperies de commandos moutons continuent leur sarabande aux portes même du QG, ça chauffe grave !
Ah oui, j'oubliais, la tradition veut que les moutons soient traités de tous les noms possibles, ou d'au moins une insulte bien sentie de temps à autre, afin que personne n'oublie que ce texte est écrit par un partisan hamster invétéré !

Mais aujourd'hui, il y a un petit peu de changement dans l'air, mais chuuut, c'est un secret aussi bien gardé que la recette du cheval-melba.
...
Voilà donc l'occasion de régler bien des problèmes en même temps, dis donc :
- Primo, l'intervention du cheval-melba de notre révéré et divin Pierre Desproges, source d'inspiration totalement délirante, autant que froide à présent, bien aimée (vous me pardonnerez bien facilement cette pointe d'humour noir, je ne suis pas raciste et j'espère que vous non plus).
- Deuxio, ma première (peut-être dernière ? Peut-être pas, ça dépendra si vous êtes sages et si vous vous mettez bien au garde-à-vous quand résonne l'hymne nationale hamster)... hum hum... ma première, disais-je, remarque totalement personnelle qui s'incruste bien salement au milieu d'un texte déjà pas très structuré à la base.
Ceux qui n'aiment pas ce style d'écriture quitteront probablement cette lecture, déjà horripilés de la tournure des événements.
Ceux qui aiment continueront à rire avec moi de la futilité, de la fatalité et du fendage de poire gratuite que constitue ce texte sans queue ni tête (et qui pourtant évolue au fur à et mesure de ses épisodes).
Ceux qui lisent sans prétentions continueront à n'être que des andouilles qui passent à côté de leur existence.
Merci, rideaux, et continuons donc, voulez-vous ?

Donc, le cheval-melba courait à dos de mouton à travers le champ de bataille tandis que Billedefoudre attendait le retour d'un de ses précieux commandos ou d'un de ses agents spéciaux en mission lointaine. Ce qui pourrait en surprendre plus d'un si je ne précisais pas que ce cheval, coupé en deux dans le sens oblique, n'est autre que le drapeau personnalisé du 101ème aéroporté mouton (quelle anecdote, gasp !), drapeau non recommandé par les éleveurs suédois, mais bon, je dis ça comme ça moi.
Passons, et avancons un peu, parce que je sens que je ne vais pas tarder à m'embourber. Laissons ce pauvre général gérer son arthrite frisée galopante, ou plutôt rampante, et allons suivre ce pauvre Chaussette Feuilledevigne, en quasi-première ligne, en train d'escorter, tel un troufion de base, le colonel Bâton-Rouge et son état-major en acier trempé.

Bah oui, évidemment (deuxième intervention sans aucun intérêt, j'ai la forme aujourd'hui), vous n'avez jamais remarqué que l'état major de bureau est faible, lèche-botte et incompétent, alors que celui sur le champ de bataille a toujours la mâchoire carrée, le regard rivé sur ses adversaires et un air confiant et expérimenté qui fascine tous les vétérans ? C'est dingue, comme si le fait de prendre l'air leur mettait du plomb dans la cervelle...quoique...sur un champ de bataille...ça pourrait se tenir comme raisonnement...
Passons encore...

Mais qui est ce mystérieux héros à l'air nostalgique et à l'allure mondaine qui ne manque pas d'irrésistiblement donner envie au lecteur de se sentir enfin représenté par un être à peu près normal (hormis la fourrure) dans ce monde de brutes sans conscience ? Quel est ce hamster au cerveau si humain et à la logique si banale (ce qui contraste fortement avec la tendance délurée des petits animaux de la région, pour qui une cacahuète vaut toutes les missions du monde et pour qui la mort est préférable au fait de rater "la vie des animaux" sur la 5 à trois heures et quart (vérifiez l'horaire, ça a changé la semaine dernière je crois) ? ) (je crois que j'ai le bon nombre de parenthèses...enfin bon, comme tout le monde s'en fout, je continue)
Quel est ce héros charismatique, contais-je donc avec du trémolo dans la voix sur les passages douloureux de son enfance difficile, et avec une ferveur quasi-religieuse sur ses haut faits d'armes qui se comptent sur les doigts d'une main....
Sur les doigts d'une main un peu dépourvue, ok...
Bon, très dépourvue...Un haut fait d'armes : lors de la mission de reconnaissance en territoire mouton, il a été héroïque, non ?
Comment ça vous savez pas de quoi je parle ? Alors qu'est-ce que vous attendez pour relire les anciens épisodes que vous n'avez pas lus ! C'est pas parce que j'écris n'importe quoi qu'il n'y a pas de cohérence de récit dans mes histoires de hamsters et de moutons mutants et mâtins !
Pfff, à quoi ça sert de m'embêter pour faire vivre de telles figures de légendes, alors ?
Ca va, ça va, je conte, je conte :
Feuilledevigne est donc un des agents spéciaux de Billedefoudre, dont la logique imperméable à tout autre esprit animal à pourtant résolu nombre de problèmes critiques. Pour les hamsters, ça semblait un peu magique tout ça quand même... rien que le coup d'éteindre les lampes frontales des commandos en mission d'infiltration nocturne pour augmenter leur taux de survie reste un sujet épineux à aborder parmi ses compatriotes...
Mais Chaussette est aussi brave que loyal, docile et dévoué, et continue de servir avec zèle son armée ! Même si cela consiste à conseiller des gradés assez malades pour rester sur le front pour voir "leurs derniers joujous turbo-mécaniques à l'oeuvre".
Les chars donc.
Le charpenté Bâton-Rouge s'adressa à notre Chaussette national :
- Beau tir, n'est ce pas ?
- Plaît-il ? Répondit fort à propos Chaussette, d'un air peu concentré sur la question.
- Je parlais de notre tout nouveau char. Quel monstre ! Poursuivit, admiratif, le colonel borgne.
- Euh, oui oui, tout à fait, entièrement d'accord.
Chaussette passait évidemment plus de temps à chercher un abri et à surveiller nerveusement les balles qui sifflaient à ses oreilles et les sections d'assaut qui chargeaient et s'étripaient tout autour d'eux.
"Je me demande comment ce garçon a pu arriver jusque là", se dit d'un air désolé Bâton-Rouge, se tenant bien droit sous le déluge, pas inquiet pour deux sous.
Qu'aurait-il pu lui arriver ? Après tout il n'était pas là pour faire la guerre, il n'y avait aucune raison pour qu'on s'en prenne à lui !
(c'est d'une logique, j'vous jure)
Le fait qu'un des officiers eut la tête explosée la seconde d'après par une balle perdue et aille voler deux mètres en arrière sous la force de l'impact ne sembla pas atteindre les méandres de réflexion du colonel.
Heureusement, cela percuta les méninges de Chaussette, qui eu la bonne idée suite à une petite dizaine de secondes d'observation de pousser tout l'état major hors du cratère d'obus dans lequel ils trônaient.
Plusieurs centaines de combattants continuaient de se massacrer joyeusement, les chars écrabouillant les ovins, les charges de démolition et les staccatos ininterrompus des armes provoquant une mélopée de râles d'agonie qui venaient ajouter au tableau dantesque de cette charge démente entre deux espèces ennemies dans l'âme. La barbarie d'une guerre sans but ni raison contrebalançant de manière étrangement équilibrée l'énergie et la bonne volonté que mettaient les belligérants à s'éventrer joyeusement....
"Je nage dans le délire", pensa, un peu désabusé, Chaussette. Accroupi dans un trou de fortune, il s'autorisa un petit soupir abattu et regarda distraitement le ciel d'un bleu azur, la boue maculant peu à peu ses bajoues fines et graciles.
Il vit fondre sur lui une silhouette bien connue, dont les états d'âmes auraient fait passer tout ce beau monde pour des gens parfaitement sains d'esprit. Mesdames et messieurs, un tonnerre d'applaudissements pour notre créature de cuir et de poils, notre cyclothymique chronique échappée des laboratoires cosmétiques humains, le terrible, l'inénarrable, le fantastique, j'ai nommé :
BATIIIIIIIIIII KODA !!!
(la foule en délire exulte devant l'arrivée en trombe de la plus monstrueusement "fun" des chauve-souris à une griffe. Les gens se lèvent et battent vigoureusement des mains, tapent des pieds, sifflent et hurlent des "BATTIIIII !!!" sonores. Certains sautent les barrières de sécurité pour tenter la traversée du champ de bataille, en vue de rejoindre notre agent secret ptérodactylo-morphe au service des hamsters. Le service de garde est obligé d'intervenir sous la pression de la foule, qui a déjà renversé plusieurs chars dans leur cohue admirative et hystérique. Les fans les plus nerveux et dynamiques sont reconduits manu-militari à la sortie du no man's land, les autres sont refoulés peu à peu, les gardes du corps de Bati tentant d'arracher celui-ci à l'étreinte démoniaque de la foule en délire. Ah, mes amis, quel spectacle !)

Hum hum...restons sobre, on n'est pas à Angoulême, non mais oh !
Bon alors, Bati se releva tant bien que mal, projetant un mini-nuage de poussière alentour. Le regard assez allumé, il lança :
- Du calme, du calme, tout va bien, la situation est sous contrôle ! Restez dans les abris anti-nucléaire jusqu'à la fin de l'alerte s'il vous plaît !
- Quelle alerte nucléaire ? Demanda à brûle-pourpoint Chaussette.
- Hein ? Quoi ? Ah oui, enfin non ! Euh... j'ai perdu le fil, là, répondit la chauve-souris un peu hagarde.
- Tu viens de te crasher, Bati.
- Finement noté, Mr Feuilledevigne (cherchez pas, ils se connaissent déjà en fait). En fait, je venais pour vous prévenir que....
- WWWAAAMMMMM !!!

Une titanesque explosion curieusement étouffée interrompit tout le monde, bien que les soldats continuèrent néanmoins à se taper mollement sur la tronche. Regardant du côté du bâtiment Lavoisier, Chaussette vit un dôme de lumière bleutée grossir et envahir petit à petit son champ de vision. La plupart regardèrent, entendant parfois de drôles de bruits à un volume assourdissant, et un mot qui malgré les décibels projetés restait encore inaudible, ou simplement incompréhensible. Le dôme progressait à vue d'oeil, il serait sur eux dans quelques secondes...
Chaussette réagit le premier, évitant encore un ou deux chars qui avançaient doucement. Il eut l'intuition qu'une réaction somme toute humaine, serait peut-être la meilleure. Il tirait cette réflexion du fait que dans un cas désespéré, il ne faut jamais, au grand jamais, réagir logiquement ou sous l'impulsion de l'instant, mais bien faire des choses qui nous semblent totalement stupides.
Comme fuir, par exemple.
Il attrapa Bati par une aile, alors qu'un effet de souffle venant probablement de la progression du dôme commençait à balayer en rase-mottes le no man's land :
- En avant, Bati, vole ! Ordonna Chaussette.
- Quoi ?!
- Envole-toi, cherche pas à comprendre !
Ce sur quoi il enfourcha la chauve-souris et celle-ci décolla aussi sec.
Aussitôt après avoir décollé, Chaussette se mit dans l'idée de savoir d'où pouvait bien venir Bati. Il faut noter qu'il est particulièrement dur d'interroger une chauve-souris avec un QI de lapin et une mémoire de poisson-rouge en plein vol genre "lac des cygnes" façon gros boeuf... autant tenter de faire le tour du règne animal à pied...
Heureusement pour Chaussette, l'explosion alternée de tous les entrepôts de munitions du secteur ovin secoua suffisamment notre curieux volatile pour lui remettre en tête les événements importants des dernières 24 heures (bien que nous nous intéressions plutôt aux dernières 24 minutes en fait, soit juste assez de temps pour faire cuire une douzaine d'oeufs sur le plat).
Bati sentit ses neurones s'entrechoquer avec sa broche métallique humano-insérée pour diverses expériences loufdingues et décida de se souvenir de ce qu'il y avait de si important à dire.
Visuellement, c'était impressionnant à voir, vu l'écart que dut faire un des chars hamsters pour éviter les deux yeux de l'agent Koda, écarquillés sous l'afflux des souvenirs traumatisants.
Se dirigeant vers le bâtiment Copernick, l'explosion atomico-plasmatique d'origine inconnue sur les talons, Bati put réunir assez de souffle pour tenter une explication (ce qui nous aiderait vachement, en fait) :
- Le-le-le-le truc ! Le chose ! Le machin !
- Le bidule ? Hasarda Chaussette d'un air méfiant.
- Exactement !
- Exactement quoi ?
- Faut pas y penser ! Faut pas le dire ! Danger danger !
- Danger ? Pour qui ? Comment ?
- Pour tout le monde ! Un mode de pensée si parfaitement absurde et simpliste qu'un champ de contre-probabilité s'est mis à balayer toutes les dimensions, connues ou inconnues !
- Mais de quoi tu parles encore ?
- D'un méga-phénomène stellaire !!! C'est sur nos talons, mais faut même pas y penser, c'est ça qui le propage !
- Le .. Le truc ?
- Parfaitement !
- C'est une arme ?
- Hein ? quoi ? J'en sais rien ! Mais c'est danger-danger !! Top-priorité, fuir immédiatement !!
- Fuir où ?
Un silence tomba sur les cieux parcourus par nos deux compères, tandis que la vague allait les submerger d'une seconde à l'autre. Bati dressa ses oreilles, interloqué, puis se tourna vers Chaussette pour formuler sa réponse, ailes de cuir déployées. Planant vaguement au-dessus d'un champ de bataille en train de disparaître, il souffla :
- Ca, c'est une sacré bonne questi...

Xinoflu...


Bizarrement, l'air béat de Bati Koda sembla lui donner un air presque naturel...
Tout se mit à flotter dans la béatitude ultime...


Par Billedefoudre.



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